Les rappeurs Drill peuvent-ils pondre des sons d’été / Y a-t-il un style musical estival ?

Devant le miroir qui lui renvoyait une image bad au possible, elle gigotait, grimaçait et agitait ses mains tout en hurlant les paroles du son qui menaçait de faire exploser sa chambre et l’immeuble tout entier : « Damn I hate being sober …I’m a smoker…Fredo a drin… !!! »

Elle n’entendit pas sa colocataire-copine-casse-pieds arriver dans la pièce, aussi, l’arrêt de la musique dans un premier temps, mais surtout le discours corrosif et terriblement injuste qui lui fut asséné, faillirent bien la traumatiser à vie : « Nan mais c’est pas fini ce bordel ?! Il y en a qui sont en vacances ! Je te prierais d’avoir la décence d’écouter ta musique de thug dépressif moins fort…ou l’hiver prochain… »

Thug dépressif ?! Shiiiiiiiit…

Figée dans une de ces poses #ChicagoGansta qu’elle adoptait super joyeusement jusqu’à ce que sa colocataire-copine-casse-pieds ne vienne  fracasser son délire, la colère montant doucement mais sûrement dans ses narines, elle laissa la rabat-joie finir sa diatribe : «Putain on est en plein mois de juin là ! Tu peux pas mettre un truc plus marrant sérieux ?!! »

 

Bon vous commencez à connaitre non ?

« Elle », la fille qui s’agite devant la glace en faisant des signes de gang et en aboyant du Chief Keef x Fifty Cent x Wiz…bah… c’est moi ! Et, la colocataire-copine-casse-pieds, bah… c’est ma colocataire-copine-casse-pieds !  Enfin c’était. « C’était », pas parce que je lui ai réglé son compte (après les horreurs qu’elle m’avait dites, j’aurais eu le droit n’empêche), mais parce qu’on n’est plus colocataires en fait.

Les experts auront certainement déjà deviné à quelle époque approximativement se déroule cette scène en se basant sur la date de sortie de Hate being sober  (fin 2012) mais pour les autres je vous le balance en exclu : cette scène choquante a eu lieu un peu après, en été 2013…

Et vlà-t’y pas, qu’il n’y a pas longtemps, il y a tout juste quelques jours en fait, j’ai expérimenté en quelque sorte un pitit PTSD (Posttraumatic Stress Disorder) comme disent les Caincains, en écoutant un rap  récent de Chief Keef (Reload) à plein volume encore, et, pendant la présente saison, en plein été encore donc !

Le punaise de « déjà-vu » que je me suis tapé, j’vous dis pas les gars ! Wow ! Retour vers le futur ! Back in 2013 ! Pile à ce moment donc où ma p…este de colocataire-copine-casse-pieds ose me dire que le super son de Drill que j’écoutais et chantais à pleins poumons, lui cassait grave les oreilles parce qu’il était trop triste pour son petit été précieux.

Bon sur le coup, franchement j’ai pas eu le temps d’y réfléchir (j’ai été trop occupée à lui régler son compte…Eh oui, je l’ai fait en fait, pas définitivement mais un tout petit peu… faut pas exagérer quand même !), mais cet événement a déclenché chez moi un sentiment de doute profond et, implanté dans mon esprit, une question métaphysique complexe.

J’aimerais essayer d’y répondre aujourd’hui que je suis toute calme et toute mature :

Est-ce que les rappeurs drill peuvent lâcher des sons d’été ? Et d’abord, ça existe vraiment  les sons « d’été » ?

 

BON EN PREMIER LIEU, IL FAUT PARLER DE CE QU’EST LA DRILL D’ACCOURD ?

On ne va pas s’éterniser parce qu’on ne taf pas pour Wikipédia hein, mais la Drill c’est un style de musique Hip Hop t’as vu. Un style de musique Hip Hop un peu plus ou moins particulier t’as vu. Qui viendrait, dixit la légende, de la ville de Chicago t’as vu. Encore une fois, n’étant pas encyclopédieuse, je ne saurais pas être trop trop plus précise que cela t’as vu.

#réinventonslalanguefrançaise

Mais, pour vous donner une idée, moi à chaque fois que j’écoute de la Drill, j’vais chercher mon pistolet à eau, j’le coince dans ma ceinture et j’me mets à bouger comme une interprète de langue des signes qui serait prise d’insoutenables tics des sourcils et de la bouche → Je fais ma GANSTA !

Parce que c’est ça que ça inspire quand même la Drill : la gansta attitude ! Et pas pour rien : les thèmes principaux des raps Drill tournent généralement autour de la rue, de la vie ou survie au sein de celle-ci et de la violence que tout c’la engendre.

Plutôt sombre le bordel en fait les gens, t’as v…vous avez vu.

DONC, C’EST PEUT-ÊTRE PAS TROP ESTIVAL TOUT ÇA…

Ouais parce qu’en vérité, si on devait définir l’estivalité d’une musique… après les critères primaires plus ou moins concrets (par exemple, critère n°1 : musique créée en été pour être écoutée en été – chose qui donnerait un peu raison du coup à ma colocataire-copine-casse-pieds qui se plaignait d’un tune créé en plein mois de…DÉCEMBRE !!!  Ou encore critère n°2 : thèmes et paroles légers, fun, sexy…), eh bien on arriverait fatalement à des critères beaucoup plus abstraits mais tout aussi importants car tacitement validés par la majorité des âmes estivales.

De fait, quand on parle de musique de l’été, on entend souvent par-là, une musique « ensoleillée ». Ça veut dire quoi ? Alors ça, ça dépend des personnes et des styles mais ce qui est sûr c’est qu’une musique ensoleillée… ne peut pas être sombre !

Et la Drill, c’est sombre.

Mince ! Alors comment ça se fait que plusieurs millions de personnes et moi-même écoutions du Lil Durk en plein cagnard et le sourire au bec en plus  ?!

TOUT COMME IL Y A CHASSEURS ET CHASSEEURS…IL Y A ESTIVAL, ET ESTIVAAL !

Oui mes galinettes, c’est peut-être ça le truc : pit-être qu’il y a plusieurs sortes d’étés, en tout cas plusieurs façons de les vivre ! Ça expliquerait tout et on pourrait terminer cet article en se disant que tout est bien qui finit bien : même s’ils produisent une majorité de sons dark, les rappeurs Drill, peuvent aussi sortir des sons estivaux !

…Oui…Mais non…Quand même il faut creuser un peu plus…On n’est pas des fumistes les copains, c’est pas un blog de baltringues ici pas vrai ?!! Nous, on va au bout de nos idées même quand elles sont terriblement difficultueuses !

Allez, on continue à réfléchir.

JE SAIS ! UN SON HIP HOP DRILL EST ESTIVAL…S’IL A UN CLIP ESTIVAL !

Vous vous rappelez quand je vous disais toute l’importance qu’avaient les clips vidéo, blablatant de l’impact énorme qu’ils produisent, selon moi, sur nos pitits affects… ? Eh bah voilà, elle est là la clef du truc : le visuel, la force de l’image !

Donc en fait – et là, je vais élargir, au-delà de la Drill, tous les genres musicaux qu’on ne destinerait pas immédiatement comme ça aux soirées plage (le Rap hardcore,  le Hard rock, le Baroque…), bon ben, avec un bon visuel, un joli pe-cli vidéo tout plein de sable, de palmiers, de gens en t-shirts et maillots de bain : ça passe crème (solaire) !

Avec un clip ensoleillé, quel que soit ton style de musique→ #Summerhit direct mon frère !

…Sauf qu’il faudrait quand même que les chanteurs soient d’accord, des fois…ils ne veulent pas enlever leurs doudounes !

Pièce à conviction n°1 : Le clip de G Herbo, Red Snow, sorti…le 15 juin dernier !

C’EST PAS POUR REVENIR EN ARRIÈRE, MAIS TOUT DE MÊME…Y A DES SONORITÉS PLUS « ÉTÉ » QUE D’AUTRES NON ?!!

Le gars-là, donc il refuse d’enlever son manteau, et toi,  son gentil producteur, ça t’embête vachement parce que tu sais qu’à force d’être trop real comme ça-là, il court un énooorme risque : devenir plus UNDERGROUND qu’underGROOUUND !

Il y a quoi sous le ground, sous le sol, tout tout en bas, sous le sous-sol du sol, under the under-underground ? On ne sait pas trop hein…Mais en tout cas, il n’y a pas la lumière des projecteurs et encore moins les rayons de la gloire !

Et toi, maGniiifique producteur, c’est là-bas, sous l’éclairage grandiose de la célébrité que tu veux envoyer ton poulain. Et pour ça, tu le sens, tu le sais, il faut qu’il balance : un son d’ÉTÉ, cet É-T-É !

Bah, d’accord pour les habits tu ne peux rien faire (il veut pas, il veut pas), mais…Tout n’est pas perdu ! 

Tu as peut-être la possibilité d’arranger le truc en douceur avec cette astuce que je viens tout juste de penser et que je te livre gracieusement →

Fais ajouter aux instrus de ton protégé des petits bruits discrets mais joyeux qui ne manqueront pas de rappeler l’été à toutes les oreilles : instruments exotiques du genre maracas, xylophones, flûtes du Pérou…nappes aériennes, nappes éoliennes…bruits de vagues,  cris de mouettes, vols de sardines, tout ça, tout ça…

#derien #yourewelcome #SDAPRESIDENT

AH NON, JE SAIS…POUR ÊTRE SÛR, SÛÛR, GENRE À 100% : IL FAUDRAIT QU’ILS DÉMÉNAGENT LES MECS !!

Quel est le point commun entre Young Thug, Migos et Snoop Dogg ?

Ils rappent et sortent régulièrement des bonnes petites musiques bien typées « été » (entre autres Turn up et With that pour Young Thug, 3 way ou Pipe it up pour Migos – d’ailleurs je ne sais pas si c’est que moi mais j’entends une flûte du Pérou dans cette chanson…et pour Snoop, franchement, il faut vraiment vous faire un dessin ? Non hein ! Tous ses raps nous téléportent direct sous la chaleur californienne !).

Et ça, c’est parce que…ils habitent là où il fait calor garçon !

Bon, Chicago au pifomètre je dirais que c’est plutôt au nord des USA ça, et vous voyez le Nord, eh bien ça produit aussi son petit son particulier…plutôt froid a priori.

A l’instar des raps from New York, qui quand ils ne s’acoquinent pas avec les tendances du Sud, ont une sonorité presque aussi métallique que l’aspect des grands buildings parsemant leur territoire ; les raps from Chicago ont leur style propre, dont les inflexions découlent directement du caractère de la ville et de ce qu’il inspire à ses rappeurs.

Et à vue d’œil, je dirais que le caractère de Chicago est plus urbain que sablonneux.

Du coup les gars de là-bas qui parviennent tout de même à balancer des raps en t-shirt, avec des palmiers et du soleil en veux-tu-en-voilà, des raps estivaux quoi (comme Soulja Boy, enfin quoique, plus à ses débuts encore, ou alors Famous Dex…)…Eh bah on dirait bien qu’ils sont partis vivre là où il faut,  Atlanta, Hollywood..qu’en sais-je !

BON…SI ON SE DISAIT QUE C’ÉTAIT UNE QUESTION DE GOÛT ?

Non, sérieusement, il faut trouver une issue à ce casse-tête infernal.

Allez pour finir, je vous propose de replonger dans ce gloubi-boulga bien subjectif qu’on a essayé d’éviter un peu plus haut !

J’ai bien tenté, vous êtes témoins, de lancer des pistes de travail sérieuses et pragmatiques (l’émigration massive vers le sud des Etats-Unis par exemple, c’est pas con je pense… mais, je ne sais pas si tout le monde sera d’accord, avec les nouvelles lois tout ça en plus, ça risque de faire bordel)… !

Mais, il y a un moment, c’est bien beau de dire : « Ouais pour faire de la summer musique, il faudrait que les rappeurs Drill fassent ci ou ça »…moi je trouve qu’un petit GMEBE Bandz, là tout de suite, sous la chaleur de juin : ça déchire !

Ça me donne même envie d’aller nager avec les dauphins !

Et c’est ça que je voudrais m’expliquer en réalité. Parce que c’est devant cette interrogation que ma colocataire-copine-casse-pieds m’a placée en insinuant qu’il pourrait y avoir une possible classification saisonnière des musiques…et que je pourrais bien n’y avoir rien compris !

Comme je vous le disais plus tôt, je ne suis pas la seule : non, nous sommes des millions à accueillir, et à kiffer, la froidure et la noirceur de la Drill music, y compris en été !

À l’inverse de ma colocataire-copine-casse-pieds, nous semblons immunisés contre toutes humeurs moroses ou idées noires qu’un tel style serait censé nous inoculer. Écouteurs waterproof dans les oreilles, nous avançons paisiblement entre les chaudes vagues et les douces étoiles de mer, accompagnés par Sosa et ses « bang bang »…

Super exemple de Drill estivale mais littéralement sombre : l’été…la nuit !

Alors comment expliciter une telle différence autrement que par la merveilleuse, impartiale et honnête théorie des « goûts et des couleurs » ?!

Si cela est trop pour vos tendres esprits cartésiens, vous pouvez remplacer cette, pourtant sublimissime, théorie par la non moins sublimissime, mais plus ferme disons-le, théorie des « public cibles » :

Les rappeurs Drill peuvent pondre des sons d’été…détiendront le suprême et magique pouvoir de les entendre, ceux qui en auront kiffé l’essence, tout au long de l’année.